L'EXPRESSION ORALE AU COLLEGE ET AU LYCEE (2)

Publié le par GREL

Voyons à rebours d'hier le trajet de l'écrit vers l'oral : quels travaux d'oral préparé peut-on proposer aux élèves ? Quelle évaluation ?


Oral préparé : de l'écrit à l'oral


Allons du plus simple au plus compliqué : de la lecture à voix haute aux jeux de simulation globale c'est-à-dire de l'oralisation de texte écrits par un tiers à la mise en jeu de textes argumentatifs produits par les élèves.


  • a) De la mise en voix à la mise en gestes


On parle ici de textes tiers c'est-à-dire donnés par nous, que l’élève va oraliser sous notre conduite.

  1.  
    • Lecture (mise en voix)

    • Récitation (mise en voix)

    • Textes de théâtre (mise en voix + mise en gestes)

Les textes sont à choisir dans la perspective du programme sur les différents discours (narratif, descriptif, argumentatif, …). On privilégiera cependant la poésie et le théâtre.


  • Lecture à voix haute de textes préalablement lus au moins une fois par le professeur et étudiés en classe.

« Elle porte sur des textes préparés : un texte bien lu est nécessairement un texte qui a été bien compris. Le professeur peut alors travailler avec les élèves, sur de courts extraits, différentes interprétations résultant de variations dans les lectures à haute voix (diction, intonation, rythme, silences, etc.)). » (Cycle central, p.122)

C'est un exercice à pratiquer très régulièrement, et à évaluer (cf. oral spontané ? Petite note ?)


  • Récitation : mêmes consignes que pour la lecture. On prépare la diction et la mise en voix. On peut donner le texte photocopié sur lequel on signale les problèmes de diction (liaisons, e muets), encadré d’un tableau où on ajoute les « intentions » à mettre dans la récitation.


 


TEXTE



INTENTIONS

Maître Corbeau, sur un arbre perché,

Tenait en son bec un fromage.

...



 


Il faut ensuite faire recopier la récitation à l’enfant sur une feuille ou un cahier (calligraphie, lettrine, illustration). D'ailleurs, les programmes signalent aussi qu’on peut faire constituer à l’élève un recueil personnel de textes mémorisés (« La pratique d’un recueil personnel de textes mémorisés par l’élève, engagée à l’école, poursuivie en 6e, est encore recommandée en 5e-4e. »). Pourquoi ne pas doubler cette idée de celle du « Grand livre du moi », qui recueillera non seulement les textes mémorisés et calligraphiés mais aussi des textes et des jeux littéraires écrits par l’élève autour de sa personne (portrait chinois, j’aime je n’aime pas, … )

Comment évaluer la récitation ? On peut imaginer donner préalablement une grille d’évaluation à l’élève ou bien la construire avec la classe. Cette grille peut évoluer au fil de l'année, accordant de moins en moins de place à la mémorisation pure et de plus en plus à la diction, aux intentions. L'évaluation évolue !


  • Mise en gestes, mise en espace : les remarques précédentes valent encore plus quand il s'agit de faire travailler des textes du répertoire dramatique. Pourquoi pas s'aider à nouveau d'un tableau, comme pour la récitation, mais qu'on enrichirait des spécificités du texte théâtral ?

 


TEXTE


INDICATIONS DONNEES L’AUTEUR

(didascalies, texte)


INTENTIONS PERSONNELLES



 

On pourra évaluer selon les mêmes principes que la récitation (évaluation évolutive, par exemple).


  • b) Rendre compte, témoigner, exposer

Il n'est plus question dans ce point de textes tiers, mais de textes préparés et écrits par les élèves, dans le but d'être dits, présentés oralement.


  • Comptes rendus, témoignages : de lecture, mais aussi de visite, de spectacle. On fait le lien avec l’extérieur de l’établissement.

On peut aussi penser à inverser le processus : quand on va à l’extérieur de l’établissement (musée, médiathèque, théâtre,...), on peut leur faire expliquer qui ils sont, pourquoi ils sont là, etc. afin de les faire sortir d’une situation de communication trop en connivence, celle d’eux-mêmes avec nous. Il sont alors poussés à établir une véritable « stratégie interlocutive » afin d'être compris. « La perspective générale du discours donne une importance particulière à la dimension pragmatique du dialogue : la visée des interlocuteurs dans l’échange, le travail sur ses conditions de réussite ou d’échec, aussi bien en observation et analyse qu’en production.

En observation et en analyse, on sensibilise les élèves aux stratégies interlocutives. »

(Accompagnement des programmes du cycle central, p. 119)


Plus littérairement, nous pouvons leur proposer de faire des comptes rendus de visites imaginaires :


Compte rendu de visite Les lieux imaginaires …

Dominante discursive : décrire pour persuader. Dans leur scolarité au collège, les élèves ont été conduits, grâce à leurs lectures, à visiter des lieux n’existant que dans l’imagination de leurs créateurs : îles désertes, territoires ou républiques idéales, lieux fantastiques et inquiétants. Avec l’aide du CDI pour la documentation, ou par le recours à des serveurs spécialisés, on leur demande de sélectionner dix lieux et de présenter un compte rendu oral de la visite qu’ils y ont faite, des personnes ou des êtres qu’ils ont pu y rencontrer. Ils devront le situer, en faire l’historique, en valoriser l’originalité, donner à ceux qui écoutent l’envie de s’y rendre.

On peut ainsi proposer :

l’Abbaye de Thélème (Rabelais, Gargantua) ;

le pays de Tendre (Madeleine de Scudéry, Clélie, histoire romaine) ;

l’Eldorado (Garcilaso de la Vega, Véritables commentaires qui traitent de l’origine des Incas, Voltaire, Candide) ;

l’île de Robinson (Daniel De Foë, La Vie et les aventures étranges et extraordinaires de Robinson Crusoë, de York, Michel Tournier, Vendredi ou la Vie sauvage) ;

l’île au Trésor (Robert L. Stevenson, L’Île au trésor) ;

le château des Carpathes (Jules Verne, LeChâteau des Carpathes) ;

Coal City (Jules Verne, Les Indes noires) ;

Lilliput (Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver),

etc.

La présentation sera faite oralement, avec l’aide éventuelle d’une carte, et ne devra pas durer plus de cinq minutes.

(Accompagnement des programmes de 3ème, p. 197)


Ce travail peut être adapté au niveau 5ème , dans une séquence sur les récits de voyage, par exemple, mais en adaptant le discours : le discours dominant ne sera pas le discours argumentatif, comme c'est le cas en 3ème, mais le discours descriptif. C'est un moyen original de rendre compte d'une lecture cursive, sans passer par la classique fiche de lecture.


  • Exposés : Travail très riche et formateur, à tous niveaux. Il faut toutefois adapter les consignes, les attentes et l’évaluation au niveau. Il est bien de trouver des sujets en rapport avec les séquences et éventuellement une autre matière. Le plus souvent, l'accord se fait avec l’histoire, mais il faut essayer de nouer d’autres liens : arts plastiques, musique, mathématiques.

On conseille de les faire réaliser entièrement dans l'établissement (classe et CDI) afin que le travail soit vraiment personnel et formateur. Cela prend du temps... mais n'en fait pas perdre car l’exposé n’est pas tant une fin en soi, qu’un moyen : rechercher des documents, les lire, les passer au crible, les comprendre, les utiliser. L’exposé oral n’est que la partie émergée de l’iceberg.

Avec la documentaliste, nous devons former les élèves à la recherche documentaire. Beaucoup de compétences sont mobilisées, qu'ils pourront réinvestir plus tard en français comme dans toutes les matières (cf. B2I) :

  • Savoir dresser une bibliographie < BCDI

  • Savoir trouver les documents c'est-à-dire dans les rayonnages mais aussi dans le support lui-même (utiliser les clefs du livre : sommaire, index, ...)

  • Savoir faire un plan : leur faire faire sous forme de questions (révision du type interrogatif !)

  • Trouver les réponses en sachant indiquer ses sources

  • Savoir utiliser l’iconographie (sources + légende) pour le panneau ou le dossier

  • Savoir s’adresser à un auditoire (compétences à lister avec eux : ne pas réciter, parler fort, clairement, joindre le geste à la parole en s’aidant des documents papiers ou du panneau, …)


 

A travail démultiplié, évaluation multiple. On peut envisager une note pour chaque savoir-faire :

  • les recherches c'est-à-dire la bibliographie, le choix des documents

  • la présentation écrite c'est-à-dire la présentation de l’iconographie sur le panneau, la présentation des sources, la clarté du plan (introduction, titres, conclusion)

  • la présentation orale c'est-à-dire la diction, le naturel, … sachant que la syntaxe orale ne saurait être la même que celle de l’écrit.


  • c) Les simulations globales


Cet exercice extrêmement ludique et formateur des simulations globales est proposé dans les accompagnements, pour tous les niveaux du collège. Quid ?


« Elle consiste, rappelons-le, à mettre en place un scénario-cadre qui permet aux élèves de la classe de créer un univers de référence (un village, un immeuble, une île, par exemple, ou une Utopie en relation avec le programme des œuvres de la Renaissance), de construire cet espace et d’en nommer les parties (rues, quartiers, par exemple), d’y installer des personnages en interaction en s’attribuant des identités fictives et d’y simuler toutes les activités de discours (lecture, écriture, oral) que cet univers est susceptible de générer : recherche de documents, débat, journal intime, lettres, articles de presse, rumeurs, lecture de textes littéraires, etc. La rencontre des différents personnages en interaction suscite des événements prévisibles ou inattendus pouvant donner lieu à une trame romanesque. La simulation globale peut s’orienter vers la maîtrise d’un univers fonctionnel à partir de la construction imaginaire, ou inversement, partir d’un univers fonctionnel (identités sociales, familiales, professionnelles des élèves…) pour s’orienter vers la création d’un univers fictif (… en 2023). » (Accompagnement cycle central, p.122)


En 3ème , des simulations argumentatives sont proposées, entre autres la simulation d’un procès. Voici ce que préconisent l'accompagnement des programmes :


« Suggestion de simulation 1

Le procès (d’Antigone, de Thérèse Desqueyroux, de Folcoche, etc.)

Dominantes discursives : raconter, accuser/défendre, concéder/réfuter.

Cette simulation ne saurait reprendre dans le détail la procédure d’un procès en cour d’assises, mais s’organise autour de deux grands discours, le réquisitoire de l’avocat général, celui qui accuse, et la plaidoirie de la défense, après un rappel des faits. La simulation peut prolonger, dans le cadre d’une même séquence, l’étude de l’oeuvre de référence qui aura été effectuée dans cette perspective de production. Ses étapes peuvent être les suivantes :

mise en place du procès : lieu, temps, attribution des rôles aux élèves [accusé(e), président, avocat général, avocat(s), témoins, jurés] ;

élaboration de « l’arrêt de renvoi » par lequel les faits sont rappelés, puis sa lecture sous forme d’acte d’accusation. Il s’agit d’une narration orientée, d’un récit qui vise à établir la culpabilité de l’accusé(e) ;

interrogatoire de l’accusé(e) par le président. Par le rappel des aspects essentiels de la vie de l’accusé(e), des circonstances du drame, en faisant apparaître les traits les plus caractéristiques de la personnalité de l’accusé(e), qui, à ce stade, peut nier certains faits, proposer d’autres interprétations ;

déposition des témoins, à charge ou à décharge ;

réquisitoire de l’avocat général (exorde, narration des faits, argumentation pour établir la culpabilité, péroraison). On recherchera les arguments qui confirment l’accusation, on réfutera ceux de la défense

plaidoirie de l’avocat de la défense, identiquement organisée, mais avec une orientation opposée.

Les élèves peuvent par groupes préparer les différents dossiers (acte d’accusation, réquisitoire, défense), en se fondant sur les notes prises lors de la lecture des oeuvres, et ensuite jouer chacun des rôles en s’identifiant aux personnages. La lecture de comptes rendus d’audience pris dans la presse peut aider à mieux percevoir le jeu des conduites discursives dans la dramaturgie judiciaire. La simulation peut se poursuivre, par la délibération du jury et la prononciation éventuelle de la sentence. »

(Accompagnement des programmes de 3ème, p.196).


Cette proposition peut être adaptée de façon à en faire un exercice facilement et efficacement réalisable. Il peut être un moyen original d'entrer dans une œuvre intégrale, ou d'en vérifier plaisamment la lecture cursive.



Tous ces exemples de pratiques et d'évaluation de l'oral au collège peuvent et doivent être améliorés ou adaptés. Ce sont des pistes qui vous permettront de varier les plaisirs et d'aborder les enjeux fondamentaux de l'oral au collège : entre autres, être un extraordinaire outil de travail, toujours lié, en amont ou en aval, à l'écrit.

Publié dans Parler

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